Florence, via Ricasoli 47

Ricasoli

Belfond, 1987, 216 pages

« Elle ne lui avait fait aucun mal. C’est lui qui s’était écorché à elle, comme on peut se blesser, la nuit, dans un jardin que l’on ne connaît pas. Il avait simplement poussé la grille peinte en vert, foulé le gravier, et il était entré. L’air du soir embaumait. On venait se reposer des fatigues de la journée, on venait s’envelopper dans le crépuscule pour y trouver l’oubli de la lumière, l’oubli de soi. Et la griffure des épines rappelait soudainement la part de souffrance que l’on porte en soi et que l’on avait cru abandonner sur le seuil. »
En relisant ce texte, Thomas avait frissonné — tristesse, incertitude, désarroi qui se figèrent dans un sourire. Il avait mis un point d’interrogation dans la marge, souligné les mots oubli de soi, puis avait reposé le crayon.

« Tombé au champ d’honneur en août 1914, près de Charleroi, Prosper Poppet est entré dans l’histoire de la littérature aux côtés de Péguy et d’Alain-Fournier. Ultime représentant du mouvement symboliste, il est l’auteur d’un seul roman, La Rosée, paru quelques jours à peine avant le début de la Première Guerre mondiale. »
(Petit Larousse illustré, p. 1615)
Mars 1986 : Thomas se passionne pour ce classique du XXe siècle. Mais les recherches critiques qu’il mène prennent un cours inattendu, inquiétant. Dans une librairie ancienne de la via Ricasoli, à Florence, Thomas découvre en effet un poème inconnu de Prosper Poppet, imprimé en 1924, et portant une dédicace autographe de l’auteur.

Thierry Laget signe un premier roman d’une grande maturité qui frappe par la simplicité de l’écriture et la clarté de la narration, là où d’autres eussent été prétentieux, voire obscurs. L’inattendu, l’ambiance du conte, guident d’un bout à l’autre un ambitieux propos sur la grâce, s’achevant par une interrogation qui n’est pas une pirouette. Plutôt qu’un Goncourt ou un prix de l’Académie, pourquoi donc ne pas tenter l’aventure de la Via Ricasoli ?
Jean-Maurice de Montremy,
La Croix, 14 novembre 1987.

Quelle surprise et quelle joie de trouver dans un premier roman ce qui est précisément à l’opposé du plagiat, c’est-à-dire un apocryphe et ses aventures qui posent, en fait, la même question, celle des fondements de l’originalité littéraire.
Francine de Martinoir,
La Quinzaine littéraire, 1er décembre 1987.